dimanche 10 décembre 2006

John Lee Hooker


Le 22 août 1917 (la date est incertaine, certains affirment le 17/08), le petit John Lee Hooker naît à Coahama County près de Clarksdale dans l'Etat du Mississipi.

En 1923, lorsque son père William décède, c'est Willie Moore, un travailleur des champs de coton, qui prend rapidement sa place dans une famille de 11 enfants. Willie est aussi comme beaucoup de Noirs du Deep South un bon guitariste de blues pendant son temps libre. John Lee qui était plutôt tourné vers les negro-spirituals découvre alors un nouveau genre musical et commence à s'intéresser à la guitare. Willie qui considère déjà le petit John Lee comme son propre fils lui confectionne une guitare avec une planche et quelques clous. Viennent ensuite de nombreuses soirées à improviser avec celui qui deviendra progressivement son mentor. Les progrès du jeune guitariste ne tardent d'ailleurs pas à se faire sentir et alors qu'il n'a que 12 ans; sûr de lui et désireux de devenir musicien professionnel, il part tenter sa chance à Memphis en se cachant dans un train de marchandises. Il racontera quelques années plus tard son tumultueux voyage dans Hobo blues. Mais John Lee ne restera à Memphis que deux mois, en attendant que son beau-père vienne le chercher. En 1931, âgé de 14 ans, JL s'enfuit de nouveau mais tourne cette fois-ci à travers les villes du Sud. Pour survivre, il exerce divers petits boulots comme bûcheron ou aide garagiste à côté de sa musique qui lui vaudra de rencontrer deux bluesmen auprès desquels il enrichira son jeu: Tommy McClennan et Tony Hollins à qui il empruntera quelques compositions comme Catfish blues et Bottle up and go pour le 1er, ou Tease me over et Crawlin' kingsnake pour le second.

En 1934, JL arrive enfin à Memphis et loge chez une tante. Malheureusement, le quartier de Beale Street, célèbre pour ses clubs et ses bordels, lui ferme souvent les portes en raison de son trop jeune âge. Les rares fois où il est admis, c'est toujours avec réticence car il est perçu comme un concurrent dans la course à la scène; et qui plus est originaire du Delta. Hooker travaille donc le jour comme souffleur dans un théâtre et joue le soir dans le ghetto noir de West Memphis avec d'autres jeunes comme Robert Nighthawk ou B.B. King. Mais l'échec est douloureux. JL évoque même un temps de s'engager dans l'armée et c'est avec beaucoup d'amertume qu'il décide de quitter le Sud ségregationniste pour le Nord des States.

En 1937, il arrive à Cincinnati où il vivra durant 6 années chez une tante, travaillant comme gardien de nuit, souffleur ou encore vidangeur de fosses d'aisance. Malgré une percée difficile, JL commence à attirer le public, en particulier féminin, attiré par son chant, son jeu de guitare électrique (qui vient de faire son apparition) et aussi... par son physique de tombeur.

En 1943, il épouse Martella et part s'installer à Detroit, la "Motor City", riche en jeunes immigrants du Sud venus chercher un emploi dans les usines Ford et GM. A l'instar de Chicago, Detroit a su créer un centre artistique dans les ghettos où les jeunes travailleurs noirs jouent du blues le soir pour se divertir: Hastings Street. C'est là que John Lee se produit dans des bars comme le Monte Carlo ou le Harlem Inn. Mais contrairement à Chicago, Detroit n'a pas les structures adéquates pour lancer un musicien. JL y travaille à la chaîne chez Ford et exerce son vrai métier le soir lors de "house parties"; sortes de concerts chez les particuliers, où il joue un jeu volontairement simple afin de se démarquer des autres bluesmen et pourtant sophistiqué car sa guitare s'adapte à ses râles et ses battements de pieds. Le public aime JLH qui sait enflammer de sa guitare électrique la foule en manque de boogies endiablés ou de blues d'autant plus lancinants que JL rythme ses morceaux de son pied sur lequel il a fixé une capsule de Coca.

Et c'est en 1948 que la chance lui sourit enfin. Après avoir été repéré en train de jouer au Capital Theater, il est embauché par Bernie Besman qui lui fera enregistrer son premier microsillon: Sally Mae et surtout Boogie Chillen qui est en fait une adapatation d'un vieux titre de Memphis: Mama don't allow to play music all night long et qui entrera dans le Top 40 R'n'B. Le succès est immense et JLH quitte l'usine pour enchaîner les disques. 1949: Hobo blues, Whistlin' and moanin', Drifting from door to door. 1950: Wednesday evening blues, House rent boogie. 1951: I'm in the mood qui sera consacré par le Billboard. Mais à côté de son contrat, JLH enregistre ailleurs, entre autre chez un certain Joe Von Battle, connu à Detroit pour sa boutique de disques et son "studio d'enregistrement" (de fortune!). JVB qui sert d'intermédiaire avec les grands labels de Chicago lui fera enregistrer plusieurs classiques dont Shake your boogie, Goin' mad blues... John Lee qui n'a pour seule préoccupation que de se remplir les poches de dollars, enregistre ainsi, entre 1948 et 53, une centaine de titres sous plusieurs versions et sur différents labels indépendants, évoluant sous différents pseudonymes pour une raison évidente: il est déjà en contrat! On le retrouve donc sous le nom de John Lee, Johny Lee, JL Booker, JL Cooker, The boogie man... ou encore Alabama Slim.

Pour JLH qui se définit non pas comme un simple musicien mais comme un "entertainer" professionnel, la suite logique veut qu'il parte en tournée. Deux hommes joueront un rôle important dans sa carrière: le guitariste Eddie Burns, et Eddie Kirkland qu'il avait rencontré lors d'une house party en 1948. Avec le 1er, il enregistrera Black cat blues, Burnin' hell... Le 2nd sera celui avec lequel il travaillera le plus longtemps, enregistrant plusieurs chefs d'oeuvre pour le label Chess à Chicago comme Key to the highway ou Guitar lovin' man en 1951 ou Let's talk it over en 54. Mais parallèlement, le couple Hooker devient instable. JL est connu pour avoir deux passions dans la vie: les femmes et le whisky. Il y risquera d'ailleurs sa vie en 1950, empoisonné en buvant du whisky, à cause d'une sombre histoire de jalousie, obligeant son ami Eddie Burns à le remplacer sur scène pour quelques temps. Car comme il le dit: "s'il n'y avait pas de femmes, il n'y aurait certainement pas de blues". Néanmoins, Hooker se montre peu tendre à leur égard, voire mysogyne comme sur son manifeste Democrat man où il leur reproche violemment d'avoir voté pour les Républicains.

Malgré tout, il subit un passage à vide après 1953 où le public préfère un jeu de guitare plus élaboré à la B.B. King. Les ventes baissent et JLH se retrouve sans contrat. Seul succès: il gagne ses procès contre les maisons de disques qui avaient oublié de lui verser quelques royalties. Les dollars coulent de nouveau à flot! Mais Hooker doit rejouer dans de petits bars pour vivre et enregistrer dans des studios de fortune... pour ne rien gagner. C'est alors qu'en 55 il est récupéré par un nouveau label, Vee Jay qui reprend les artistes "jettés" par Chess. On lui demande seulement de jouer avec l'harmoniciste Jimmy Reed et son guitariste Jimmy Taylor. En octobre, ils enregistrent entre autre Wheel and deal, Unfriendly woman, Time is marching... avec succès. En 1956, nouveau coup d'éclat, cette fois sans Reed, avec Baby Lee et surtout le blues rock'n'roll Dimples qui entre dans le top 40 et sera même repris une dizaine d'années plus tard par certains artistes dont Van Morrison.

Fort de son succès, JL se doit désormais de conquérir le public blanc aux USA mais ausi en Europe. Au début des 60's, il revient à l'acoustique afin de plaire au jeune public blanc avide de country blues et reprend Tupelo et Hobo blues lors du festival de Newport qui donnera lieu à l'album "The folklore of John Lee Hooker" avec 4 autres titres joués avec Reed. JL se tient seul sur scène avec sa guitare; à l'occasion accompagné d'un ou deux musiciens. C'est à cette époque qu'il enregistre des titres comme Democrat man, Hard-hearted woman ou Boom Boom en référence à une serveuse qui, un soir, fâchée de le voir arriver en retard, simule un coup de feu avec sa main.

En 1962, il a enfin l'occasion de se produire dans toute l'Europe, grâce à la tournée de l'American Folk blues festival auquel il participera également en 65 et 68. En 62, il apparaît aussi au festival de blues de Paris. Le succès, immédiat, est prolongé avec son single Shake it baby qui fera un tabac chez les yankees durant les 60's. A la fin des 60's, JL est reconnu mondialement, admiré tant par le public noir que blanc. Il va désormais amorcer un changement radical jouant d'abord de la soul sur l'album "Big soul". Les succès s'enchaînent: les albums "Serves you right to suffer" (65), "The real folk blues" (66) avec E. Burns, la chanson The motor city is burning (67) avec E. Taylor sur les émeutes dans le ghetto de Detroit, et qui sera repris un an plus tard par le groupe de hard-rock MC5. Mais Hooker cherche à se rapprocher du rock et joue en 1969 avec son cousin Earl Hooker sur l'album "If you miss'm I got'm", laissant au cousin l'honneur de balancer quelques solos bien juteux. Malgré tout, sa femme avec qui il a eu quatre enfants demande le divorce.

A peine divorcé et déjà harcelé par son ex-femme, il part vivre dans la communauté rock, en Californie. Dans un milieu où les jeunes rockers vénérent le vieux JLH, celui-ci n'a aucun mal à se faire une place. Ainsi, il enregistre avec différents groupes de blues-rock tels Van Morrisson, ou Canned Heat en 1970 sur l'album "Hooker'N'Heat" et avec qui il retravaillera par ailleurs 11 ans plus tard. Mais malgré ces quelques enregistrements dans les 70/80's, John Lee semble sur le déclin. Ses albums sont surchargés d'instruments, de boogies... Hooker se retrouve sans contrat. Pendant 15 ans, il se produit à travers le monde avec son "Coast to coast blues band" mais n'enregistre que deux albums studio, "Jealous" (1986) et "Hookered On Blues" (78), plus quelques concerts moyens. JL qui assume sa semi-retraite accepte quelques petits rôles au cinéma: sur "Color Purple" de S.Spielberg et surtout dans les "Blues brothers" (1980). Et c'est en 1989, alors que plus personne ne l'attend, que Roy Rogers, un guitariste de blues-rock décide de produire un hommage au maître en invitant bon nombre de stars du blues et du rock dont Carlos Santana, Robert Cray, Bonnie Raitt, etc... pour "The Healer" qui lui vaudra un Grammy Award. La machine Hooker est repartie.

Les 90's voient la sortie d'albums à fort succès commercial, tels "Boom Boom" en 92 ou "Chill Out" en 95 où Hooker fait preuve d'un flair exceptionnel en invitant les meilleurs bluesmen autour de lui. Si JLH passe le plus clair de son temps à conduire sa dizaine de voitures ou à regarder le base-ball à la télé, ce n'est que repos mérité car Hooker, avec plus de 500 titres enregistrés, des dizaines d'albums et surtout un jeu unique volontairement minimaliste aura su se créer une place bien à part au Panthéon des bluesmen/guitaristes.

Le 21 juin 2001, dans un dernier souffle, il nous quitte pour rejoindre les autres légendes de blues... JLH peut à présent nous observer tranquillement de l'au-delà. Il sait qu'il a marqué son siècle. JLH est un mythe.

La vidéo , d'une des plus belle chanson du monde a mon avis !

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